Les travaux de retrait de matériaux amiantés nécessitent la mise en œuvre d’un confinement dynamique qui peut être perturbé par le vent.
Les travaux de retrait de matériaux amiantés nécessitent la mise en œuvre d’un confinement dynamique dès lors que l’empoussièrement prévu est supérieur à 100 fibres/L. Ce confinement a deux objectifs : l’isolation du chantier par rapport à l’extérieur et l’abaissement de la concentration en fibres d’amiante dans la zone confinée. Ces objectifs sont atteints par la mise en dépression de la zone et par un apport d’air neuf tout au long du chantier, déterminé selon le niveau d’empoussièrement prévu. Le système de ventilation utilisé peut se décomposer, de manière très simplifiée, en :
- un système d’extraction mécanique équipé de filtres,
- des entrées d’air neuf calibrées,
- une enveloppe délimitant la zone de confinement.
La figure suivante offre un aperçu de l’aéraulique d’un chantier de désamiantage dans un immeuble résidentiel qui est traité étage par étage.
Un système de contrôle de la dépression est obligatoire afin de s’assurer que celle-ci ne soit jamais inférieure à 10 Pa. Cependant, au vu de cette dépression minimum réglementaire, le vent pourrait avoir des effets significatifs sur le confinement ou la ventilation du chantier. En effet, la dépression causée par le vent sur la façade d’un bâtiment peut être du même ordre de grandeur que la dépression interne dès lors que la vitesse du vent excède 4 m/s. De plus, la surpression générée face au vent peut également perturber l’homogénéité des apports d’air neuf.
Les zones côtières et les immeubles de grande hauteur sont particulièrement concernés par cette étude du fait de leur exposition au vent plus importante.
L’étude initiée par l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) doit permettre de :
- quantifier les effets du vent sur le confinement d’un chantier de désamiantage,
- proposer des recommandations pratiques pour améliorer la prévention des risques professionnels.
La démarche retenue est largement basée sur la simulation numérique afin de disposer d’une approche prévisionnelle. La validation nécessitera en revanche des mesures expérimentales en soufflerie et directement sur site. L’aspect instationnaire est essentiel pour ce projet car le confinement pourrait être détérioré de manière temporaire alors qu’il est respecté en moyenne. Une thèse en collaboration avec l’Université Technique d’Eindhoven (TU/e) est adossée à cette étude, qui s’étend de 2016 à 2019. Les grandes étapes du projet sont résumées ci-après.
1. Prédiction des statistiques de la pression statique exercée par le vent sur un bâtiment (moyenne, écart-type, minimum, maximum) dans une situation donnée (direction du vent, rugosité du sol, géométrie de l’environnement). Cette étape est en cours de finalisation et des résultats plus précis et pour un coût de calcul moindre par rapport à la littérature ont été obtenus par Simulation des Grandes Echelles. Les deux cas de validation exploités sont des mesures sur site sur un cube et des mesures en soufflerie sur un immeuble de grande hauteur.
2. Utilisation des séries temporelles de la pression statique calculées à l’étape précédente comme donnée d’entrée pour une modélisation systémique. La figure 4 montre un exemple de ce type de modélisation pour un réseau de ventilation comprenant plusieurs locaux. L’étanchéité des locaux est prise en compte dans le modèle. A l’issue de cette étape, on sera capable de connaître la différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur de la zone en tout point et à chaque instant.
3. Validation de l’approche par des mesures dans la nouvelle soufflerie de TU/e en utilisant un système de ventilation mécanique à l’échelle réduite (application des lois de similitude aérauliques) et validation sur un chantier test accessible en France (déploiement d’anémomètres soniques 3D et de capteurs de basse pression différentielle).
4. Proposition de recommandations axées sur la prévention des risques professionnels en tenant compte des contraintes économiques et pratiques du secteur du désamiantage. Cela pourrait être par exemple l’augmentation temporaire de la dépression à partir d’une certaine vitesse de vent telle que mesurée par Météo France, la mise en place d’un système de régulation asservi à la dépression, l’utilisation d’entrées d’air spécifiques, etc.
L’approche décrite ici est originale non pas par les méthodes mises en œuvre, qui restent classiques en ingénierie du vent (simulation numérique, mesures en soufflerie, mesures sur site), mais par l’application visée, qui aura in fine des impacts très concrets sur l’amélioration de la santé au travail. On peut également souligner le couplage entre la Simulation des Grandes Echelles et la simulation à l’échelle système, qui permet d’analyser le comportement transitoire d’un système de ventilation, ce qui est très rarement réalisé. A notre connaissance, les travaux existants qui s’approchent le plus de ce projet ont été initiés par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN). Néanmoins, ces travaux diffèrent sur de nombreux points : les séries temporelles de la pression étaient mesurées en soufflerie et non prédites par simulation numérique, la configuration des locaux était très différente des chantiers de désamiantage (cascade de dépression avec locaux imbriqués), et les cas étudiés correspondaient à des installations nucléaires de grand volume pour des vents proches d’une tempête.
Ce projet pourrait faire partie d’un nouveau champ d’application de l’ingénierie du vent, qui couvrirait soit les actions du vent sur les structures temporaires et mobiles (chantiers de retrait du plomb, démantèlement d’installations nucléaires, échafaudages, curage et déconstruction de bâtiments, construction de ponts, etc.), soit les actions du vent sur les installations nécessitant un confinement (chantiers de désamiantage, confinement nucléaire, industrie chimique et pharmaceutique, etc.).
Auteur : Romain Guichard, INRS, France
Cet article a paru dans le Journal de l'AIV d'avril 2018.